Les pierres du chemin. Extrait : Pierre d'achoppement.
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Maman avait une opale ; mon père la lui avait offerte pour ses fiançailles. Je crois bien qu’ils n’étaient pas allés la choisir ensemble… Il l’avait prise carrée ; c’était rare, une bague carrée, à cette époque… Elle était montée sur un simple jonc d’or jaune, sans fioriture, sans ornement. Pendant la guerre, Maman la mettait tous les dimanches, et plus tard, quand papa est revenu… Chez les protestants, on n’affiche pas ses bijoux, sa richesse… Encore que l’opale ne soit pas une pierre précieuse… Quand elle portait sa bague, je n’avais de cesse que maman me laisse tripoter sa main, une main maigre, toujours un peu froide, avec des jointures rougies, dont je m’amusais à faire légèrement bouger les doigts pour voir changer la couleur de la pierre laiteuse. Selon la lumière, apparaissaient des arcs-en-ciel plus roses, plus bleus, plus verts. C’était fascinant pour moi, je me souviens. Maman la regardait tristement et disait que ce cadeau ne lui avait pas porté chance. J’étais restée longtemps perplexe devant cette observation amère que ne me semblait pas mériter une aussi belle pierre. Puis je compris que sa versatilité devait, pour les âmes superstitieuses ou simplement impressionnables, augurer d’un destin changeant, d’un amour inconstant.
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