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La Faute à Voltaire, extrait : "La table de sept"

(...)

« Alors, Emilienne, lui demande sa mère, la sais-tu, cette table de sept ?  Si le père t’interroge, il va t’en cuire !

- Non, j’y arrive pas. », répond ma cousine d’une voix sombre.

Gabrielle s’est approchée d’elle.

« C’est la plus difficile, t’en fais pas. »

Sa grande soeur se balance d’une jambe sur l’autre ; j’ai l’impression qu’elle n’arrête jamais de bouger.

« Bon, tu connais ta table de deux ? » 

Emilienne hausse les épaules.

« Tu connais ta table de trois ? »

Emilienne ronchonne.

« Oui… 

- Bon ! », s’exclame Gabrielle d’un ton réjoui. Ta table de quatre, c’est deux fois la table de deux… T’as qu’à connaître la table de deux et multiplier encore par deux. Ta table de cinq ? C’est facile !

- Oui, je multiplie par dix et je divise par deux. », répond sa sœur impatiemment.

- Voilà ! Après, ta table de six, c’est la table de trois, que tu connais, tu m’as dit… puis tu multiplies par deux… Tu sais faire ?

- Oui… 

- Bon, et ben la table de sept, c’est comme celle de deux et celle de trois, faut l’apprendre. Y a pas de truc pour trouver le résultat autrement.

- Alors pourquoi tu m’as dit tout ça, s’i’ y a pas de rapport  avec les autres tables que je connais ?

- Ben je cherchais… J’ai pas trouvé… Mais pour huit et neuf, t’as compris : huit c’est deux fois deux, fois deux, et neuf c’est trois fois trois.

- Tu parles si tu m’aides ! 

- Oh ben alors, trouve toute seule ! », répond Gabrielle en virant sur ses talons, plantant là sa petite sœur qui, l’œil sombre, se balance en bougeant les lèvres, comme faisait maman de temps en temps. Les tables de multiplication, ça doit être comme les prières, tu gagnes pas à tous les coups.

« En fait, si, c’est facile. »

Gabrielle est revenue vers Emilienne.

« Dans la table de sept, y a juste sept fois sept à apprendre…

-         Tu n’ pouvais pas le dire plus tôt ?

-         Ben non… Deux fois sept, trois fois sept, facile. Quatre fois sept, c’est deux fois sept, fois deux, facile. Cinq fois sept, facile aussi, c’est dix fois sept, puis tu divises par deux. Six fois sept c’est trois fois sept, fois deux ; huit fois sept, c’est deux fois sept, fois deux, et fois deux encore ; neuf fois sept, c’est dix fois sept, facile, soixante-dix, moins sept, soixante-trois. Donc i’ n’ reste que sept fois sept, faut l’apprendre : ça fait quarante-neuf. »

Les yeux ronds, Emilienne essaie de retrouver ce que sa sœur vient de lui débiter. Elle bute, fronce les sourcils pour retenir les opérations intermédiaires, et hésite à proposer la réponse. Pendant que, tête basse, elle essaie à nouveau de réciter sa table de sept à sa mère, je m’assoupis un peu ; l’odeur du poireau me rassure. La soupe bouillonne dans le chaudron, derrière ma tante, qui gronde ma petite cousine.

(...)



25/02/2015
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