le-soleil-et-la-lune

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La Faute à Voltaire, extrait : "La ferme de Jules Macé"

(...)

Jules Macé était passé au tu. J’ n’avais p’us qu’à faire pareil. On a trinqué, on a vidé nos verres.

« Viens, j’ te fais visiter. V’nez, les gars. »

Le hangar, la batteuse, le tracteur, l’étable, l’écurie, la grange, et même la laiterie, les barattes, la buanderie, la lessiveuse, tout y est passé, sans rien oublier. Entre deux, on passait à nouveau en plein soleil, puis on retrouvait la fraîcheur relative et l’ombre des dépendances. On a même visité le grenier, qui communique avec celui de la grange.

« Ma femme a découvert de l’humidité derrière l’armoire de la chambre, je m’ demande s’i’ n’y a pas une ardoise de déplacéeje vais en profiter pour vérifier. Une minute, les gars. »  

On est passés de la grange à la maison, par une petite porte basse qui donne sur deux marches. Tout en levant le nez vers les ardoises et les poutres, Jules Macé nous parle de ses bêtes, de la jument qui va bientôt pouliner et qui l’inquiète un peu, de la laiterie Besnier qui voudrait bien qu’il remplace ses Normandes par des Prim’ Holstein, qu’ ont parait-il un meilleur rendement. Le grenier est immense, comme la maison sans doute, tellement immense qu’il est un peu vide, ou alors les Macé ne sont pas des gens qui accumulent. Qu’est-ce que qu’était don’  que cette maison autrefois, peut-être une auberge ? Il y a des pièces, des portes, c’est sûr’ment plus habitable que ne l’était la Cotinière. Dans un coin, sur une malle, des vêtements de soirée et un chapeau haut de forme.

« Ah ! », fait Jules Macé en haussant les épaules et en se dirigeant vers le petit tas de frusques en désordre, « Sacrés gamins, ils ont encore fouillé là d’ dans ! »

Il époussette le chapeau, « Ah c’ qu’elles n’ m’ont pas fait porter ! », soulève une redingote qui ressemble à celle qu’on m’avait prêtée pour mon mariage ; une sorte de combinaison ou de chemise de nuit rose chair glisse à terre. Jules Macé défroisse les vêtements de quelques coups du plat de la main, cherche les épaules, les assemble, plie la redingote, le sous vêtement rose chair et soulève le couvercle de la malle. A peine l’a-t-il refermé qu’il se ravise, « Attends ! », et plonge à nouveau le bras dans la malle, au risque de déranger la pile approximative à laquelle il vient d’ajouter la redingote et la chemise de nuit. Il a en mains le manche d’un violon. « Tiens, c’est le violon de mon grand oncle. Il n’avait pas d’enfants ; il était vieux garçon. C’est moi qui ai hérité son violon, mais j’ n’ai jamais su en jouer. Il avait essayé d’ m’apprendre. J’ n’étais pas doué pour ça. Alors il m’a dit : « Peut-être qu’un de tes enfants, un jour… ? ». Tout c’ qu’ils ont su faire, c’est d’ casser les cordes. »

Le violon est d’un beau bois patiné, avec des reflets fauves. Je tends la main vers lui comme un enfant vers un gâteau ; ma main droite, qui n’a plus que deux doigts vraiment utiles. A me voir si ravi, Jules Macé me demande si je joue donc du violon ?

« Non, j’ n’ai jamais touché à c’t instrument…

- Mais ?

- Mais je jouais de l’accordéon, avant la guerre. »

(...)



24/02/2015
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