le-soleil-et-la-lune

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Plume

 

 Sur la piste, des danseurs vigoureux, vifs, qui le bousculent parfois d’un simple frôlement. Face à son poids plume, ce sont des bulldozers. Il fronce les sourcils à les voir occuper tout l’espace, à l’en balayer d’un coup de vent. Il désapprouve. Il imagine qu’ils maltraitent et secouent leurs danseuses. Je le détrompe : « Pas tous, pas tous, non ! ». Ça le contrarie peut-être un peu. Moi j’adore l’énergie de certains, les surprises qu’ils me réservent, les prouesses qu’ils obtiennent de moi ; je partage leur plaisir à allonger le pas, à voler, à me laisser saisir, à jouer. Son corps à lui ne pourrait pas soutenir le mien, m’assurer si je trébuchais ou perdais l’équilibre, et moi je sais que je le ferais basculer. Le problème avec lui est que j’ai peur de le casser, ou de le faire tomber, tant il est frêle. Epais comme une ablette. Tellement léger. Je n’ose pas le serrer contre moi. Ma main gauche, dans son dos, entre ses omoplates, est si proche… Je pose mon front contre sa joue ; ma poitrine, à peine, contre la sienne, si plate. Faire très attention à ne pas s’appuyer. Surtout garder, seule, son équilibre. Les indications de son corps sont subtiles mais la communication est tout de même un peu hasardeuse, ou lointaine, un peu brouillée, ténue, comme il arrive parfois au bout du fil, précaire. Souvent, je ne suis pas sûre d’avoir bien entendu, le contact est si fragile. Il guide pourtant quelques figures assez complexes, donne à ma jambe gauche l’élan suffisant pour qu’elle remonte contre sa hanche, s’efface pour laisser la place au repli, impulse une petite spirale, à peine, pousse ma jambe à se relever de l’autre côté, devant lui, et freine en souplesse pour que nous nous retrouvions face à face.

 

 



18/11/2017
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